En plus de ses recherches habituelles sur des objets individuels, Angèle Riguidel travaille depuis le printemps 2021 sur une installation de plus grande envergure. Cette installation trouve son origine dans « Le jardin des plastiques », une recherche-création démarrée en 2019 autour de l’œuvre « Le jardin des Délices » de Jérôme Bosch. À ce moment là, il s’agissait plutôt d’assemblages d’objets mis en scène. Actuellement, les objets choisis sont d’origine plus pauvres et sont sélectionnés attentivement pour leur forme. L’objet disparaît totalement lorsque l’artiste s’approche de chaque réalisation finale, prend une dimension plus picturale et plus proche encore de l’œuvre du maître flamand.
Le Jardin des plastiques, fait directement référence à l’un des plus grands chef-d’œuvre de l’histoire de l’art occidental : Le Jardin des délices du peintre néerlandais Jérôme Bosch (1494-1505).
L’installation in situ d’Angèle Riguidel mime son titre, sa structure plastique, et si l’on s’approche encore, on se rend compte que la ressemblance au modèle original est à trouver dans chaque détail.
Ce que raconte Angèle Riguidel en clignant de l’œil au maître flamand c’est un monde beau par nature, dans ses singularités et dans l’opulente richesse du monde vivant, peu à peu submergé par une surconsommation alarmante. Car si le triptyque du Jardin des délices semble avoir pour sujet les péchés terrestres, faisant sombrer le Paradis dans l’Enfer, le Jardin des plastiques partage avec Angèle Riguidel son rapport obsessionnel aux déchets.
Dans le Jardin des plastiques tout est récupéré, les objets ont tous une histoire et un passé : ils viennent directement de matières naturelles, ainsi que de l’atelier de l’artiste qui fait depuis des années une étrange collection des marchandises dont on n’a plus voulu dans nos maison, et des ses déchets personnels. Ces objets et matières sont ensuite bidouillés, assemblés, modifiés ; et ici, les oiseaux du panneau central ont fait place à des petits chiens en plastiques, les architectures oniriques à des pots en verre venant des cuisines de mamie… Penchez-vous et comparez : tout ce qui est dans le tableau se retrouve réinterprété avec minutie et tendresse dans l’installation.
L’œuvre d’Angèle Riguidel s’est faite à plus de deux mains : les siennes d’abord, suivant celles de Jérôme Bosch, celles de dame Nature, les mains également ce ceux qui avaient fabriqué les objets préexistants maintenant insérés dans l’installation, mais celles aussi des personnes ayant participé à l’atelier de bricolage proposé pour l’exposition. Les chimères que vous voyez ont de multiples paternités / maternités.
L’artiste partage également un certain sens de l’humour avec le maître flamand : si ce qui a attiré Angèle Riguidel était peut-être d’abord l’attrait esthétique de sa peinture, l’ingéniosité du traitement plastique fait écho aux calembours visuels du Jardin des plastiques.
texte de Louise Simon, photos d’Archibald Simon.